aurait
probablement dit à la cheminée qu'il n'allait pas
brûler un si excellent fromage, et que surtout
les feux de
cheminée ne parlent pas.
Les hommes
étaient assis d'un côté, les femmes de l'autre. On
avait du déplacer une chaise pour que
Magalie
puisse s'asseoir. Celle-ci avait déjà avidement
entamé l'une des baguettes que Bruno avait
négligemment
posé sur la table. En en arrachant un bout, la petite fille
avait agité un quignon
devant le nez
de sa mère et demandé :
« Toi
qui en as déjà vu plein, tu trouves pas que ca ressemble
à une bite ? ».
Il y eut un
bref silence gêné. Tout le monde se regarda, prenant soin
de ne pas regarder la jeune fille,
et choisi au
final de faire comme si on n'avait rien entendu. Bruno amena une
bouteille de vin sur la
table, et en
servit à Mario, seul convive à manifester de
l'intérêt pour l'alcool à ce moment précis.
« Je
veux dire, ça a globalement la même forme. Regarde, ca
c'est le prépu-- »
Cette
fois-ci, c'en fut trop, et tout le monde éclata de rire. Tout le
monde, sauf Marion qui donna une
tape sur la
tête de sa fille, et lui lança un regard furieux. Celle-ci
ne répondit pas. Alors que les rires
finissaient
tout juste de résonner, Georges se vit adresser un second clin
d'œil par Mario.
Cette
fois-ci, Édith l'avait saisi au vol, mais elle ne sut qu'en
faire.
« Bon !
» lancèrent simultanément Georges, Marion, et
Mario. C'était un signal de départ, et tous
arrachèrent
un quignon de pain à la baguette avant de la tremper dans la
masse grouillante et
dégoulinante
que représentait le plat, a l'exception de Mario qui pour
l'instant mâchonnait le pain
sans
prêter la moindre attention à la fondue, ce qui ne fut pas
sans être remarqué.
« Vous
ne mangez pas Mario ? » lança Édith
« Non
je... je ne suis pas un grand fan de fromage. »
«
Essayez donc » reprit Georges « le vin fait tout passer.
». Édith leva les yeux au ciel, ce qui
rappela
à tout ceux qui ne l'avaient pas déjà
deviné que Georges était un alcoolique.
« Je ne
peux pas... J'ai une phobie du fromage. » dit Mario.
Tout le monde
stoppa net ses activités. Plus rien n'avait d'importance.
L'alcoolisme de Georges, la
faim dans le
monde, les guerres, et si une flottille extraterrestre décidait
de s'installer juste à côté du
chalet pour
planifier une invasion, cela n'aurait pas provoqué un lever de
sourcil par rapport à ce qui
venait
d'être dit.
La tension
nerveuse de Bruno, qui s'était quand même
décarcassé à lire le mode d'emploi de la
machine
(fabriquée par un certain « Sébastien »
à en lire le logo sur l'emballage), monta d'un cran et
il en perdu
le fil de son Kafka. Il se leva donc et, pour se passer les nerfs, alla
mettre une buche
supplémentaire
dans la cheminée. Le feu commença d'abord à
s'atténuer, étouffé par la masse de
bois qui
commençait à devenir trop imposante dans l'espace
restreint. Puis, voilà qu'il reprit de plus
belle,
à l'insu des autres qui étaient bien trop occupés
à fixer Mario.
« Vous
êtes fromageophobe ? Lactophobe ? » dit Édith,
histoire de détendre un peu l'atmosphère.
«
Non... Enfin oui.. ». Mario était embarrassé
« Écoutez ça n'a pas d'importance. »
« Si,
cela en a ! Enfin ! » reprit Édith, toute satisfaite
d'avoir trouvé un jouet qui n'était pas son mari,
«
Est-ce que cela a un rapport avec votre enfance ? »
« Votre
mère vous donnait-elle le sein ? » dit alors Magalie, avec
un faux sourire niais et
déclenchant
à nouveau quelques ricanements.
« Oh,
ça suffit toi ! » lui dit Marion, soudainement soucieuse
de ne pas avoir l'air plus ridicule
qu'elle n'en
avait l'habitude.